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Démocratiser la fibre pour les entreprises. La vision de Pascal Caumont, Directeur Général Adista

Le colloque ‘Territoires et réseaux d’initiatives publiques’ organisé en avril dernier par l’AVICCA, avec l’appui de la Caisse des Dépôts, a été l’occasion de mesurer les avancées liées au déploiement du Très Haut Débit sur le territoire français. Industriels, opérateurs, bureaux d’études, services de l’Etat, élus… ils ont été nombreux à répondre présents. Pascal Caumont, Directeur Général Adista et Vice-Président de la FIRIP, est intervenu sur le sujet de la démocratisation de la fibre optique. Voici un extrait des échanges.

AVICCA : Quels sont les besoins des entreprises en matière de Très Haut Débit ?
Pascal Caumont « Démocratiser la fibre, ce n’est pas le vrai problème. Au fond, le vrai problème pour les entreprises, ce n’est pas la fibre mais ce qu’elles peuvent faire avec. Que recherche aujourd’hui l’entreprise dans un monde extrêmement concurrentiel ? A être plus productive, plus efficace, à améliorer le parcours client, la communication, etc. En étant plus ambitieux, au-delà de se demander ce qu’on peut faire de mieux, on peut également se demander ce que l’on va faire de plus. Ce sont les services, les usages qui vont permettre tout ça, et beaucoup vont avoir besoin du très haut débit, et donc potentiellement de la fibre. […] Concrètement, il faut dématérialiser. Les entreprises manipulent beaucoup d’informations sous forme de papier ; la même information digitalisée est plus rapide, plus fiable, elle coûte moins cher, prend moins de place, et se stocke facilement. Bien sûr il fait également favoriser tous les outils de communication pour transmettre ces informations. Beaucoup d’entreprises de services manipulent uniquement de l’information et c’est aussi souvent le cas des collectivités. Il y a donc beaucoup à faire et beaucoup d’avantages à tirer à digitaliser et à optimiser les informations, tout en maîtrisant les coûts. Cela ne veut pas dire à coût nul, mais avec un ROI facilement identifiable à relativement court terme. »

Aujourd’hui, quels sont les freins à l’adoption de la fibre ?
« L’accès à des offres fibre est une chose positive, sous réserve que le coût soit maîtrisé, et notamment le coût des frais d’accès, car sur le terrain c’est souvent « le » facteur de blocage dans les zones non forfaitaires. […] Au-delà de ça, il y a la résistance au changement, car on n’achète pas de la fibre pour faire la même chose mais pour faire autre chose, ou différemment. Les problématiques de contrats et les engagements de longue durée qui ont été signés avec des opérateurs précédents sont également des freins importants. J’insisterai également sur les aspects de formation et de pédagogie car ces nouveaux usages demandent souvent des ruptures dans l’organisation, dans les modes de fonctionnement, dans les modes de réflexion de l’entreprise, et sans accompagnement, l’entreprise a beaucoup de mal à le faire. »

Alors, comment démocratiser la fibre compte tenu de ces constats ?
« Aujourd’hui, la situation sur le marché de services B2B est une situation de quasi-monopole. […] A partir de là et dans notre objectif de démocratiser les services, il paraît indispensable de dynamiser un ensemble d’opérateurs de proximité, un adjectif qui traduit toujours des qualités de disponibilité, de réactivité, de pédagogie et de territorialité du support local. Cela ne veut pas dire que les gros opérateurs n’ont pas de légitimité car il faut de tout pour faire un marché, et chacun doit avoir le choix correspondant à ses objectifs, ses ambitions et éventuellement ses moyens.  Il nous semble donc nécessaire de garantir l’existence d’acteurs de proximité pour au moins trois raisons : apporter de la concurrence dans un monde où il y en a de moins en moins, apporter de l’imagination et de la créativité. Les gros opérateurs ont des atouts, mais les plus petits opérateurs ont des capacités à proposer des choses un peu plus innovantes de par leur réactivité et la mise en pratique des technologies les plus récentes, de type start-up par exemple. Et puis les opérateurs de proximité ont cette caractéristique essentielle d’être ancrés, et donc investis, dans leurs territoires. […] »

Quelles seraient les actions à mettre en place pour démocratiser la fibre ?
[…] « Trois actions nous semblent essentielles :

  • Il faut imposer la création d’une offre de gros activée destinée au marché entreprises à des tarifs judicieux, à tous les opérateurs d’infrastructures. Les opérateurs de détail ont besoin d’offres sur tout le territoire, et il est important pour eux qu’il y ait des offres sur les zones denses, les zones moyennement denses, ou en zone RIP. Il faut que tous les opérateurs, y compris de RIP, donnent accès à des offres activées de gros pour les opérateurs de détail, ce qui n’est pas toujours le cas.
  • Bien sûr nous poussons à favoriser l’extinction du cuivre, car il est clair que plus on passe à la fibre, plus on est en capacité d’aller voir les entreprises et de leur proposer de nouveaux services pour leur bien, et pour le nôtre. L’économie française se porterait beaucoup mieux si plus d’entreprises étaient digitalisées.
  • Dernier point important, nous avons évoqué le cas des collectivités et vous connaissez bien les mécanismes des marchés et des appels d’offres, de l’allotissement et des contraintes que cela peut poser… Dans un contexte économique difficile, ces mécanismes ont tendance à favoriser l’offre non pas la mieux-disante mais la moins chère. Pouvoir développer les services pour les collectivités imposerait de compléter et d’aménager les modes d’appels d’offres ou de prise en compte des réponses et de leur notation, pour favoriser un peu des choses plus imaginatives que simplement le tarif le plus bas. »

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