TRANSITION NUMÉRIQUE - INNOVATION - COMPÉTITIVITÉ

Comment réussir la mise en place du télétravail ?

Sujet récurrent dans l’actualité, tout le monde ou presque s’empare du télétravail pour commenter, argumenter, décrypter l’évolution et la place du travail dans la société. Ce sujet fait d’ailleurs partie des cinq ordonnances modifiant le Code du Travail, signées la semaine dernière par le Président Macron et parues au Journal Officiel samedi 23 septembre dernier.

Selon les estimations du cabinet de conseil RH Kronos rendues publiques au sujet d’une étude menée sur l’année 2016, 16,7% des français télé-travaillent plus d’une journée par semaine. Même si les chiffres varient selon les sources et les critères définissant le télétravail, cela reste peu par rapport à d’autres pays européens, et notamment les pays scandinaves ou la Belgique. Néanmoins, les choses évoluent. Pour 71% des personnes interrogées, le télétravail est une véritable révolution. Ces chiffres rejoignent ceux d’une étude que nous abordions sur Le Mag, à savoir jusque 20% de pratique informelle.
Comment le télétravail, le nomadisme et la mobilité des salariés vont impacter la transformation digitale et managériale des entreprises ?

Télétravail, oui mais où ?

Les deux-tiers des salariés qui pratiquent le télétravail le font tout simplement depuis leur domicile. Mais tous les salariés ne souhaitent ou ne peuvent pas travailler à domicile. D’autres options ont vu le jour qui ont été spécialement conçues pour cette démarche.
C’est ainsi que des locaux de co-working se multiplient un peu partout, notamment dans les grandes agglomérations. Ces bureaux sont utilisés principalement par des entrepreneurs et des start-ups qui cherchent à collaborer avec leurs pairs. Ils permettent aussi d’éviter la solitude et la démotivation qui peut en découler et de travailler dans une ambiance chaleureuse et conviviale. Les métiers du web et du secteur digital sont très concernés par ces situations, avec de jeunes entreprises comptant un ou deux salariés.
Enfin, 21 % des télétravailleurs occupent des espaces de travail mis à leur disposition par leur employeur pour un usage courant : bureaux fermés, open-space, salles de réunion…

Des collaborateurs motivés par les avantages.

Les bénéfices pour les collaborateurs sont importants. L’étude affiche un gain non négligeable du pouvoir d’achat (une moyenne de 124 euros mensuels) grâce aux économies réalisées en carburant ou garde d’enfants par exemple.
Tout aussi important, et même davantage, les télétravailleurs gagnent en qualité de vie. En effet, ils passent plus de temps avec leur famille et bénéficient en moyenne de 45 minutes supplémentaires de sommeil par jour.
De plus, travailler chez soi permet d’échapper au stress dû aux transports (bouchons, retards, risque d’accident) et à celui de l’open-space (partager son espace, conversations téléphoniques, déplacements plus ou moins bruyants peuvent être autant de causes de stress).
Il n’est donc pas étonnant que dans 96% des cas, le télétravail améliore le bien-être des pratiquants. Gagner en sérénité, en concentration et en qualité de vie permet aux salariés d’être plus reposés et donc plus efficaces dans leur travail.

Des territoires et collectivités favorables et proactifs.

Si les instances gouvernementales se sont emparées du sujet du télétravail c’est aussi parce que les territoires et les collectivités y trouvent aussi leur compte.
Les grandes villes et métropoles qui sont saturées par la circulation routière y voient une source de réduction importante de leur empreinte carbone et donc une baisse de la pollution dans leur secteur. La facilitation du télétravail permettrait de réduire les difficultés de circulation aux heures de pointe et rendrait les déplacements plus fluides.
L’autre avantage serait la fixation des actifs qui participent par leurs dépenses et leur implication dans les réseaux locaux au dynamisme et à l’attractivité des territoires (quartiers, espaces péri-urbains, communes rurales sujettes à la désertification).
Les régions frontalières sont également très concernées par ces questions du désengorgement de leurs réseaux autoroutiers. Exemple intéressant, la communauté d’agglomération Portes de France-Thionville (Moselle) a lancé la création d’un espace de co-working de 2000m2 pour les frontaliers travaillant au Luxembourg. Cet espace de coworking devrait ouvrir ses portes en 2018 et bénéficiera d’équipements technologiques de pointe et d’une connexion haut-débit. La communauté d’agglomération prévoit déjà, si le succès escompté est au rendez-vous, d’implanter d’autres espaces similaires.

Des technologies disponibles et parfaitement adaptées.

L’idée fait son chemin parmi les instances politiques et les salariés, mais qu’en est-il des entreprises et des solutions technologiques nécessaires à la mise en œuvre d’un télétravail fluide et efficace ?
On le sait aujourd’hui, les bénéfices de part et d’autre sont nombreux lorsque le télétravail est appliqué dans une entreprise. Certaines commencent peu à peu à prendre conscience des effets positifs du télétravail sur leur activité et à rattraper leur retard dans ce domaine.
L’étude KRONOS annonce un gain de productivité de 22% notamment grâce à l’économie réalisée en terme de temps de transport. On constate également une réduction notable de l’absentéisme et des arrêts maladie (une baisse de 5,5 jours par an en moyenne), ce qui devrait réjouir les RH et les patrons d’entreprises !

Aujourd’hui, la possibilité de s’équiper de solutions permettant la mobilité et le télétravail est une réalité. Des outils qui proposent l’indication de présence, l’escalade dans la communication (chat, audio, vidéo, partage d’écran, prise en main à distance) permettent de travailler à distance tout en restant complètement opérationnel.
Les solutions de téléphonies IP développent de plus en plus des applications mobiles pour permettre une utilisation en situation de mobilité. Connectivité nomade, authentification à distance, communication unifiée, environnement de travail « Cloud », intranet/extranet… Les techniques, les réseaux et les logiciels de communication ne sont plus un frein ni à la mobilité ni au télétravail pour les entreprises qui le souhaitent ou qui le peuvent. Et la montée en puissance de la 4G, comment l’arrivée demain de la 5G, permettent d’envisager des pratiques nouvelles dans les territoires ruraux.

Mais n’existe-t-il pas un autre frein encore peu souvent évoqué ?

Même si ce symptôme tend à s’estomper, dans l’esprit de beaucoup de managers, la productivité est encore trop souvent associée au présentéisme. La culture managériale française reste encore parfois axée sur le contrôle de la présence du salarié à son poste de travail et l’autonomie est vécue comme une marque de laxisme ou de perte des prérogatives du manager.
Ce qui est tout le contraire dans les pays anglo-saxons et scandinaves notamment où l’on se préoccupe plus des projets menés à bien et des résultats obtenus que du temps passé dans l’open-space.
Heureusement, cette tendance tend à disparaître notamment grâce au mix générationnel. L’arrivée sur le marché du travail de la trop souvent citée « génération Y » fait bouger les lignes et la perception du travail. Habitués à utiliser tous les outils numériques à leur disposition, en mode nomade, ces nouveaux salariés ne conçoivent plus de rester vissés devant un seul écran toute la journée.

Le management doit évoluer en s’appuyant sur un cadre et des règles précis.

Les managers doivent évoluer.

Pour faire évoluer les mentalités et accompagner les entreprises vers ce changement de paradigme du travail, un management basé sur la confiance et sur des règles définissant un cadre précis sont absolument nécessaires.
Le télétravail doit se mettre en place après une préparation minutieuse en amont qui implique chaque acteur. Et le manager se doit d’établir des règles qui définissent et encadrent le travail délocalisé afin que l’activité de l’entreprise bénéficie de ce changement d’organisation : objectifs clairement définis, indication de présence et accessibilité du collaborateur, solutions de communications destinées à éviter de tout faire passer par la messagerie mail, mis en œuvre d’outils collaboratifs, flexibilité négociée dans l’horaire…
La rupture des unités de temps et de lieu modifie l’organisation du travail et crée un nouveau cadre, qu’on peut appeler déspatialisation du travail. Cette prise en compte par le management est absolument indispensable à la réussite du télétravail.
Pour le télétravailleur, ce temps passé hors du bureau est mis à profit s’il organise ses tâches et développe une plus grande productivité en évitant le piège de la procrastination ou de la distraction. Travailler à distance lui donne de plus grandes responsabilités et un sens développé de l’organisation. Il doit également prendre l’habitude de rendre son travail visible afin d’éviter toute ambiguïté auprès de sa hiérarchie et de son équipe.
Le manager, lui, devra s’assurer que le télétravailleur a tous les outils nécessaires à sa disposition pour travailler dans les meilleures conditions depuis chez lui ou d’un espace de travail partagé. Des outils comme Skype sont à utiliser au maximum afin d’impliquer au maximum les télétravailleurs et préserver le sentiment d’appartenance à l’équipe. Les réunions d’équipe doivent inclure tous les membres d’une même équipe, présents physiquement ou non. C’est donc au manager qu’il incombe de préserver la cohésion et la communication au sein de son équipe, nécessaires au respect de leurs objectifs communs.

Le télétravail développe la créativité, la productivité et le bien-être des salariés. Il ne peut être que bénéfique à la fois aux salariés et aux entreprises. Mais sans une préparation préalable et un cadre bien défini la mise en place du télétravail dans l’entreprise court à l’échec.