TRANSITION NUMÉRIQUE - INNOVATION - COMPÉTITIVITÉ

Le droit à la déconnexion, un sujet sensible pour les entreprises.

L’usage du numérique modifie les codes de l’entreprise et fait évoluer les conditions de travail des salariés.  Plus d’un actif français sur trois utilise les outils numériques professionnels tous les jours en dehors de son temps de travail. Il est difficile pour beaucoup de ne pas consulter ses mails ou de ne pas répondre au téléphone, même pendant les vacances. La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est ténue.

En décembre 2014, un sondage APEC dévoilait que 23% des cadres disaient ne jamais se déconnecter, 22% rarement et 63% affirmaient que les TIC (Technologies de l’information et de la communication) perturbaient leur vie personnelle et familiale.

62% des actifs sont demandeurs d’une régulation.

 

« Un tiers des actifs (37%) est hyper-connecté et (…) utilise (les outils numériques) presque tous les jours en dehors du temps de travail. » Xavier Alas Luquetas, président d’Eléas.

 

C’est ce qui ressort de l’étude « Pratiques Numériques » réalisée par le cabinet Eléas, spécialisé dans la prévention des risques psycho-sociaux publiée le 24 octobre dernier. Ce chiffre concerne en priorité les cadres (81%) et les 15/34 ans (76%) qui se déconnectent le moins souvent, que ce soit par choix ou par obligation.

62% d’entre eux réclament un cadre dans l’utilisation des outils numériques en dehors du travail, ce qui démontre une prise de conscience grandissante du sentiment d’invasion de la vie professionnelle au détriment de la vie personnelle et du temps de repos. Ils sont encore plus nombreux chez les cadres (75%) et chez les jeunes (76%).

Le risque de ces dérives est la multiplication des situations génératrices de stress et des risques psycho-sociaux.

 

Que dit la loi El Khomri ?

Le droit à la déconnexion a été inscrit dans la loi travail dite « loi El Khomri » adoptée le 21 juillet dernier et il s’appliquera à tous les salariés.

Le gouvernement a ainsi pour objectif d’inciter fortement les entreprises à assurer le respect du temps de repos légal et de congés de leurs salariés. A compter du 1er janvier 2017, les entreprises de plus de 50 salariés devront donc engager une négociation avec les partenaires sociaux afin de définir un accord qui fixera les modalités de ce droit à se déconnecter perçu comme fondamental.

Faute d’accord, ce droit à la déconnexion devra tout de même être mis en œuvre sous forme d’une charte prévoyant des actions de formation et de sensibilisation à l’usage des outils numériques.

Les dirigeants y trouvent également leur compte car les salariés qui sont sans cesse interrompus par l’arrivée intempestive de mails seraient moins productifs et plus sujets aux effets négatifs du stress. De plus, réduire les risques psycho-sociaux contribuerait également à réduire l’absentéisme dans l’entreprise.

« Cette disposition de la Loi Travail vise à garantir le droit au repos et à la santé des salariés. Elle sécurise aussi les entreprises en leur évitant d’encourir des condamnations lourdes pour rappel d’heures supplémentaires ou travail dissimulé. », rassure Marc Lienhardt du cabinet CNIL-Conseil. « Elle sécurise aussi les entreprises en leur évitant d’encourir des condamnations lourdes pour rappel d’heures supplémentaires ou travail dissimulé. »

 

Un équilibre à trouver

Selon le spécialiste du conseil aux entreprises en matière de systèmes et logiciels informatiques, « la phase de dialogue à engager est importante car elle va permettre d’aborder le thème plus large de l’équilibre vie professionnelle – vie privée et de clarifier un certain nombre de situations précaires ».

L’étude souligne néanmoins que les salariés restent attachés à la souplesse des horaires et à l’autonomie gagnées avec l’arrivée de ces nouveaux outils.

Le numérique est perçu comme un progrès par 59% des actifs et particulièrement chez les 15-34 ans (65%), les cadres (63%) et les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (73%).

« 6 actifs sur 10 estiment que c’est un progrès ».

Les salariés le considèrent comme un vecteur d’évolution des missions et d’opportunités de progression professionnelle.

Des expériences ont déjà été menées par de grandes entreprises (journées sans mails chez Canon et Sodexo, blocage des mails de 18h à 7h chez Volkswagen) mais faute de résultats concluants, elles n’ont pas été reconduites. Les mesures prises pour favoriser ce droit à la déconnexion sont-elles perçues comme une contrainte par des collaborateurs habitués à une liberté de gestion de leur agenda ?

L’objectif est donc de trouver un équilibre qui satisfasse à la fois les entreprises et les salariés : pouvoir envoyer un mail tard le soir sans forcément attendre de réponse immédiate, s’autoriser à éteindre tous ses outils de communication en soirée ou le dimanche sans subir de reproches de sa hiérarchie.

Le droit à la déconnexion est en passe de devenir un enjeu des plus importants pour les DRH des entreprises françaises.